Diagnostics : utiles ou nuisibles ?
Vr du 01-06-21
A Médiagora, nous avons été étonnés de constater la faible proportion de personnes ayant reçu un diagnostic (délivré par un professionnel de la santé, pas seulement un auto-diagnostic(*)). En fait la majorité de nos membres n’ont pas encore reçu de diagnostic digne de ce nom (un diagnostic aussi flou que « névrose d’angoisse » n’étant pas pour nous digne de ce nom).
Le but de cet article est de nous convaincre qu’il est toujours préférable de savoir, plutôt que de vivre dans l’ignorance.
En santé mentale, presque tous les diagnostics sont entachés d’incertitude. C’est pourquoi, la plupart du temps ils sont difficiles à poser. Ils se réfèrent à un cadre théorique mouvant (par exemple la déjà longue série des DSM). De plus, une part de subjectivité est inévitable (à cause notamment du biais de confirmation).
Un diagnostic a pour principal intérêt de pouvoir bénéficier des soins les mieux adaptés. Et aussi parfois de pouvoir contacter des pairs. Il a par ailleurs un intérêt subjectif : savoir de quoi on souffre. Mettre un nom sur un ennemi aide à concentrer nos forces.
Par ailleurs, un diagnostic peut-être plus ou moins affiné. Ainsi pour ceux qui souffrent d’anxiété, c’est déjà aidant de le savoir (car pas toujours évident), et s’il y a d’autres troubles derrière l’anxiété, cela peut-être encore plus aidant de les débusquer, car combattre l’anxiété peut-être d’une certaine efficacité, mais combattre les causes de l’anxiété sera d’une efficacité certaine.
Arguments «contre» | Arguments «pour » |
Recevoir un diagnostic, c’est être « étiquetté », enfermé dans une case, alors que le psychisme humain est bien plus vaste et divers que tous les classements imaginables. |
C’est exact. Mais nous ne nous résumons pas à nos diagnostics, ce sont des bases de travail. Un bon psy partira du ou des diagnostics de son patient, mais établira avec lui un programme de soins « sur mesures » |
Recevoir un diagnostic peut-être vécu comme stigmatisant. | La stigmatisation des troubles « psys » n’est pas liée à une étiquette, il suffit d’être hors norme pour en être victime. D’ailleurs, il n’y a jamais eu autant d’ostracisation des malades psychiques, que dans les temps reculés où on ne savait pas les diagnostiquer. |
La quête d’un diagnostic est aussi une quête d’identité d’où recherche parfois trop forcenée. | La quête d’un diagnostic est aussi une quête d’identité. Cela permet de mieux se connaître mais aussi connaître ses pairs. Priver qq’un de diagnostic c’est le priver d’une partie de son identité et le priver aussi de rejoindre un groupe d’appartenance. |
Le patient risque de se « reposer » sur le diagnostic (c’est à dire abandonner ses efforts pour aller mieux, sous prétexte qu’il est déterminé par son trouble) |
Comment lutter efficacement contre un ennemi qu’on ne connaît pas ? Recevoir un diagnostic est un premier pas vers une meilleure compréhension du trouble, et donc vers une lutte plus efficace (cf le développement du concept de réhabilitation). |
Beaucoup de patients ne sont pas prêts à recevoir un diagnostic. | Ils ne sont pas encore prêts. Aussi est-il nécessaire de les accompagner à accepter ce qui est (et dont ils souffrent déjà), et de les préparer à améliorer ce qu’il leur est possible d’améliorer de leur état, en fonction de la gravité de leurs troubles, et des ressources dont ils disposent ou qu’ils peuvent acquérir. |
Le diagnostic est une condamnation | Le diagnostic est une libération (ou au moins l’ouverture d’un chemin vers un mieux être et un mieux vivre) |
En conclusion :
« Mal nommer les choses c’est ajouter à la misère du monde » (A. Camus)
Je préciserai juste pour finir qu’un diagnostic (même confirmé par des professionnels) n’est jamais définitif. D’abord parce que l’état des patients est susceptible d’évoluer (même pour les troubles réputés inguérissables ou « résistants »), et que l’état de la science et des pratiques psychiatriques évoluent également. D’autre part un diagnostic peut parfois avoir besoin d’être approfondi (voire remis en cause), en particulier si les thérapies réputées les plus adaptées ne donnent pas les résultats attendus malgré la compétence des thérapeutes, et une bonne implication des thérapeutes et du patient.
Alain Aulagnier (avril 20 – mai 21)
Avec le précieux concours de Maud F.
(*) Pour ce qui concerne les auto-diagnostics, ils ne sont pas forcément à jeter aux orties, surtout si vous y avez travaillé de façon approfondie après vous être informé le mieux possible (parfois plus que certains pros), mais nous sommes le plus souvent notre propre point aveugle, et nous avons besoin de faire intervenir le point de vue des autres (même si ce sont des pairs non diplômés). Néanmoins l’aide des pairs n’est pas suffisante non plus, et il est presque toujours préférable d’avoir l’avis d’un (si possible plusieurs) professionnels de la santé mentale. C’est de toute façon indispensable si vous souhaitez obtenir des aides médicales ou financières.
La démarche auto-diagnostique est exposée et analysée dans plusieurs vidéos en libre accès. Celles qui m’ont le plus convaincu sont celles produites par un pair-aidant : Alistair H. Si vous avez d’autres sources ou références à me proposer sur ce sujet, je suis intéressé.
Excellent article.
Je pense qu’un diagnostic est largement supérieur en terme d’avantages qu’en terme d’inconvénients.
Sous condition, de trouver un bon professionnel et donc d’aboutir à un diagnostic qui s’approche au mieux de ses problèmes. Un bon diagnostic commence par un bon professionnel.
A titre personnel, j’aurais gagné beaucoup d’années cruciales de ma vie si je n’avais pas été en errance de diagnostic.
Il y a fallu beaucoup d’années pour aboutir à un diagnostic d’hyperactivité ( TDAH ) et probablement de phobie sociale sur un plan relationnel de ma vie.
La connaissance de mon mode de fonctionnement particulier en terme d’hyperactivité et la connaissance de ma phobie sociale, m’aurait non seulement aidé pour comprendre et mieux corriger certains traits de caractères qui m’ont pénalisé en terme relationnel mais également de m’attaquer avec plus de courage et de méthode pour diminuer ma phobie sociale.
Mettre un nom sur ses problèmes permet de se déculpabiliser mais aussi de se rassurer pour affronter avec méthodes ses problèmes.
Ce que je peux donner comme conseils en terme de parcourir thérapeutique c’est de se documenter en terme de pathologie au moindre doute. Nous avons maintenant la chance d’avoir internet pour accéder à de l’information et donc de faire de la psycho-éducation. Mais il faut faire de son mieux pour cela conserver un état d’esprit rationnel ( une détresse médicale, un mal être peut-être facilement exploités par d’innombrables bonimenteurs … ).
En cas de pathologie, il faut privilégier dans un premier temps un psychiatre plutôt qu’un psychologue. Certaines personnes atteintes d’une pathologie peuvent « potentiellement » ( au cas par cas ) se passer de psychothérapie mais certainement pas d’un traitement ( je pense par exemple au trouble de l’humeur qui « rayonne » en arrière plan et provoque d’autres symptômes comme différents troubles anxieux).
Il ne faut pas oublier également que notre pays est marqué par la psychanalyse. La TCC se déploie peu à peu et à titre personnel je privilégie un psychiatre qui a suivi une formation en TCC ( car thérapie plus moderne et plus rationnelle ) et qui est enregistré auprès de l’association des thérapies comportementales et cognitives ( AFTCC ).
Il ne faut pas hésiter à voir plusieurs psychiatres si le diagnostic vous semble confus ou à côté ou encore si cela n’avance pas. J’ai dû batailler longuement en voyant plusieurs psychiatres pour qu’un semblant de diagnostic émerge ( chacun y va de son diagnostic … ).
Pour finir, les troubles anxieux sont souvent la partie saillante d’un trouble plus profond ( autre maladie psychiatrique, troubles neuro-développemental comme l’autisme ou l’hyperactivité ou encore les troubles Dys). La règle veut que plusieurs pathologies ou troubles s’agglomèrent.
Mais en terme de diagnostic, il faut d’abord d’abord essayer d’expliquer sa maladie avec les maladies repérées les plus évidentes ( principes de la méthode scientifique ), puis si certains comportements ou troubles ne peuvent pas s’expliquer alors il faut chercher un autre trouble ou une autre pathologie qui peut être agglomérée aux parties les plus visibles ( ne pas hésiter à s’adresser à des centres spécialisés de l’anxiété, de l’autisme avec les CRA ou de se rapprocher d’associations qui peuvent guider par exemple pour l’hyperactivité).
Voilà ! Pour résumer, je dirais qu’il faut être pro-actif, être spécialiste et acteur de sa maladie mais toujours raisonner au mieux d’un point de vue logique.
Notes:
J’ai trouvé une excellente chaine de formation sur Youtube qui avec les dernières avancées en thérapies peut aider à une psycho-education.
Il s’agit de la psychiatrie du Soleil:
https://www.youtube.com/channel/UCaMlnHP_fUSvn96uObKUOUw