SARLAT, PERIGORD, dans les années 60.
J’étais à l’époque collégien à LA BOETIE, qui était un collège, mais aussi un lycée.
Je ne sais plus exactement en quelle classe j’étais. Je pense que c’était plutôt en 4e.
Il devait être un peu moins de 14h, je dirai 13h45 quand cela est arrivé. Printemps 1966 ?
Il me suffisait de sortir de la maison, de prendre à droite puis à gauche. Après 300 à 400 mètres, j’arrivais devant la maison de mon professeur de piano qui se trouvait dans la grande avenue. Il fallait faire une centaine de mètres à gauche, puis au fleuriste, prendre à droite. Là, une longue côte, un petit kilomètre, pas franchement dure, mais qui montait tout le temps, menait au collège, que l’on arrivait à apercevoir au bout.
J’étais un élève moyen. Mes parents qui étaient enseignants, me faisaient comprendre que les enfants de leur collègues instituteurs étaient meilleurs que moi. Au lieu de me faire aimer l’école, ils ont fait le contraire. Peut être ils s’y sont mal pris. En tout cas, c’est ce que j’ai ressenti très tôt, il fallait que je soies dans la tête alors que j’étais dans le premier tiers. Dés le primaire. Bref, je me rappelle qu’à la fin du primaire, nous étions aller visiter des amis à eux. Ils devaient être 20h et leur maison touchait la cour de récréation du collège. C’était un soir de printemps. J’entendais donc les jeunes garçons qui étaient pensionnaires s’amuser dans la cour. Ils avaient dîné, et c’était leur moment de détente avant d’aller au dortoir. Je me rappelle que ma mère m’a dit ‘ dans quelques années tu vas les rejoindre ‘ . Cette idée m’a terrorisé, et je me souviens que j’ai été mal. J’étais à cote d’un rosier, que la maîtresse de maison avait en fierté, et le parfum de ces fleurs associé à cette idée m’avait rendu malade d’angoisse… je devais avoir 8 ans ;
Quelques années après, me voila donc sur cette fameuse cote. Je suis dans la première partie de la cote, et le collège n’est plus qu’à 300 mètres. Je sais que je marche droit, comme un petit soldat qui monte au front. Je ne pense à rien de particulier qui m’angoisse, sauf que j’ai pas particulièrement envie, comme chaque jour, d’y aller . et pourtant il le faut. Je ne conçois pas de faire l’école buissonnière. Jamais je ne l’ai fait. Mon bras droit est le long de mon corps, et au bout de mon bras, il y a mon cartable avec la poignée en cuir dans la main.
Plus que quelques secondes avant de m’engager dans le dernier carrefour. Je ne cherche pas à le contourner, d’ailleurs il est grand mais pas immense.
Je m’y engage donc en le traversant en plein milieu. L’avenue est déserte, il n’y a personne aux alentours. Au beau milieu, voila que d’un seul coup, je me sens pris comme dans un étau au niveau des cotes. J’ai l’impression que mon cœur s’arrête. Je ressens une sensation que je n’ai jamais connue jusqu’alors.
Une immense peur, et la sensation imminente de mourir. Je vois mon passé comme s’il défilait, il n’y a plus d’avenir. Je suis hors du temps. Je suis un instant cloué sur place. Je lâche alors le cartable, je tape très fort des pieds sur le goudron en hurlant ‘ nooooooooon’. Je fais quelques metres comme cela, comme pour échapper à ce qui me frappe et qui me dépasse. Et je reviens à moi. Il a du se passer 2 secondes, peut etre 3. je reviens sur mes pas. Mon cartable est sur le sol, et il sort un grand cahier a petits carreaux. Je ramasse le tout.
Je récupère mon cartable et je continue ma route vers le collège, même si je me sens vidé physiquement. Je ne le sais pas encore, mais je viens de vivre ma première attaque de panique, qui fera de moi un agoraphobe. Après cette 1ere attaque, dans les semaines qui ont suivi, j’en ai fait plusieurs, en classe. Les professeurs ne diront rien, ne me parleront pas. M’ont-ils cru fou ? Ils ne diront rien à ma famille. Au moins 3 fois, j’ai eu cette sensation de mourir : je me suis levé en plein cours, en criant, en bousculant mon pupitre et la chaise. Plusieurs fois, les professeurs m’ont fait sortir prendre l’air.
Ce qu’il y a d’incroyable, c’est que je n’en ai jamais parlé autour de moi. Le soir même, je n’ai rien dit à mes parents. Ni à personne.
Sans le savoir, je vais devenir au cours de 40 années suivantes agoraphobe grave. Mes attaques de panique se compteront par dizaines. Un jour, vers 20 ans, je n’arriverai pas à sortir du lycée à Bordeaux, une autre fois, de la maison de la grand-mère, puis de la grande cuisine… ou finalement je subirai une attaque de panique devant l’évier.
J’en veux à mes parents. Ils auraient du voir mais ils étaient aveugles. Ma mère, la pauvre, avait elle-même de grosses phobies, et peut après elle est tombé malade. Elle n’était pas assez proche de moi pour que je me confie à elle. Peut être si elle avait vécu, je lui en aurais parlé . cela m’aurait aidé à mettre un nom dessus. Quand on connaît son ennemi, c’est déjà une force.
Quand à mon père, il doit en avoir un peu conscience, même s’il a toujours joué l’étonné. Mais il est assez égoïste pour se protéger et se dire que finalement, cela ne le concerne pas. Je ne l’ai jamais senti proche de moi par le cœur, au point de me confier sans etre jugé. Toujours jugé…
J’ai écrit cela pour témoigner. Je veux qu’on sache que si j’ai parfois l’apparence de quelqu’un de paresseux ou de laxiste, tout chez moi est dicté par cette phobie. Je ne suis pas lâche, je suis quelqu’un de courageux. C’est très facile de dire, ‘ il ne faut pas s’écouter ‘. Je ne souhaite à personne ces attaques de panique.
Aujourd’hui, je vis avec l’ago, mais il y a bien des choses que je ne peux pas faire. ET JE VEUX LES FAIRE : une simple randonnée à pied, pouvoir me promener en ville etc etc … Pourtant je me dis que j’ai trouvé une excellente thérapeute en juillet 2009. Et j’ai envie vraiment d’aller mieux même si une guérison totale m’apparaît, comme peu probable. J’ai tellement mis en place tout un système complexe d’évitement.
Bravo a toi pierre , ton écriture est merveilleusement bien rédigée et malgres nos difficultés je pense qu’en tant qu’ agoraphobe on développe d’autres facultés 😉
Je t’ai rencontré samedi et je te trouve très entier et cela fait de toi un homme courageux et loin de la l’idée de te penser lâche 🙂
Sarah
Ouah !!! 40 ans de crises d’angoisses, quel courage ! moi ca fait 18 ans avec quelques « pauses » mais là elles reviennent sous deux formes différentes, j’ai repris rendez-vous avec un medecin TCC et j’espère m’en sortir très vite….
bon courage, je te le souhaite même si vous en avez déjà beaucoup.
J’ai deux enfants, et je fais tout pour ne pas faire comme vos parents je ne leur mets pas la « pression » je préfère qu’ils soient juste employés mais heureux plûtot qu’ingénieurs angoissés ou malheureux…
Bonjour quel therapie suivre lorsque on et agoraphobe et sujet au crise de panique car je vois une sophrologue depuis 5 ans mais je suis toujours agoraphobe je precise jai la phobie de la psychiatrie de la folie … merci de votre reponse
Bonjour,
Vous pouvez suivre une TCC (Thérapie Comportementale et Cognitive), pour plus d’infos n’hésitez pas à nous contacter par mail.
Cindy – Médiagora Aix